Engagé récemment sur le chemin qui mène à la certification Creative Commons, j’ai décidé de vous partager mon carnet de bord, au fur et à mesure des unités de formation suivies. Ce troisième article nous plonge dans les profondeurs des 6 licences CC et des 2 outils de domaine public. N’hésitez pas à me faire part de vos commentaires : je me ferai un plaisir comme toujours de partager plus largement mes apprentissages & ressources à ce sujet.

— 🔓 Raffiner le droit d’auteur

“Les licences CC sont des licences de droit d’auteur”. Si le droit d’auteur correspond à l’adage “tous droits réservés”, les licences Creative Commons fonctionnent avec “certains droits réservés”, là où s’applique le droit d’auteur, pas à sa place mais en complément, pendant toute la durée (sous-jacente) de celui-ci.

Les donneur·euses de licence – ou “concédant·es” (licensors) – conservent leurs droits d’auteur : Creative Commons leur permet d’accorder certaines permissions (autoriser la copie, la diffusion & la modification) sur leurs œuvres originales tout en définissant leurs conditions d’utilisation de manière normative pour le droit international.

“Les licences CC accordent seulement des autorisations en vertu du droit d’auteur que les concédant·es ont le droit d’accorder.”

La licence CC est automatiquement résiliée en cas de non respect des conditions choisies par l’auteur·ice (ce qui revient à redéfinir les protections selon la norme du droit d’auteur “tous droits réservés”). Tout ce qui n’est pas concerné par le droit d’auteur (droit de lire cet article par exemple ^^) ne concerne pas les licences CC. Il en va de même dans le cas où l’œuvre est déjà disponible dans le domaine public, les licences CC ne s’appliquent pas car vous disposez déjà de l’ensemble des droits possibles sans restriction ni contrôle.

Exceptions & limitations

Partout dans le monde, “de part leur conception, les licences CC ne réduisent, ne limitent ni ne restreignent les droits découlant des exceptions et limitations au droit d’auteur”. Dans le cas où vous êtes déjà autorisé à exploiter une oeuvre en vertu d'exception ou de limitation applicables (telles que l’exception pédagogique, ou en faveur des bibliothèques / musées / archives, les revues de presse…), vous n’avez pas besoin de respecter (non plus, au-delà de votre exception au droit d’auteur) la licence CC. C’est le cas aux États-Unis d’Amérique où les licences CC n’ont pas d’incidence sur les exceptions et limitations au droit d’auteur telles que l’utilisation équitable (fair dealing & fair use). Il en va de même pour les droits voisins liés aux contenus des bases de données.

Par ailleurs, les licences CC n’ont d’effet que sur les droits d’auteur, pas sur d’autres droits éventuels, qui doivent être gérés séparément. La protection ainsi offerte ne concerne pas, par exemple, le droit de la propriété industrielle, notamment les brevets ou dépôt de marque.

⚠ En outre, Creative commons exhorte ses contributeur.ices à ne pas utiliser les licences CC pour des logiciels. L’écosystème des licences libres relatives aux logiciels ↗ (la Free Software Foundation en dénombre plus d’une centaine) est historiquement ancré, très spécifique et déjà largement développé.

Poupées gigognes

Si vous rédigez un article d’analyse comprenant notamment des photographies illustratives et que vous placez cet article sous licence CC, certains éléments peuvent cependant ne pas être couverts par ces permissions. Les photographies qui ne seraient pas votre propriété, ou dont les droits n’auraient pas été cédés (licences CC) ou qui ne seraient pas sous domaine public, répondent elles aussi d’un droit d’auteur. La licence de l’article global ne prend pas en compte la licence spécifique de ces photographies (qui doivent être respectées et précisées). Ce principe de poupées gigognes peut être rapidement assez dense. Il est indispensable de préciser explicitement ces nuances en mentionnant la licence ouverte globale “sauf mentions contraires” et en précisant les licences des éventuels matériels utilisés (par exemple en légende des photographies).

Constitution des licences CC

💡 Pour synthétiser : 4 éléments combinés permettent de structurer 6 licences Creative Commons distinctes accessibles selon 3 couches complémentaires. 2 outils permettent par ailleurs de libérer les œuvres dans le domaine public.

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📚 Considérations pour les donneurs et les preneurs de licence ↗ , Creative Commons Wiki

— 🎍 Une licence à 3 couches

Les licences CC sont comme un oignon, elles contiennent en elles-même plusieurs couches successives, qui cohabitent de manière indissociable, et les constituent globalement. Ces 3 couches sont les suivantes :

1. couche de code juridique

Il s’agit du texte de loi, exprimé dans la langue savante des avocats & des juristes. Ce texte décrit au travers de différents articles le champ d’application de la licence, ce qui la constitue, sa durée d’application, ses conditions d’utilisation, l’ensemble des droits & devoirs…

Exemple : le code juridique de la licence 'CC BY-SA' ↗

2. couche lisible par les humains

Il s’agit d’une synthèse exprimée en langue vernaculaire, comme une espèce d’interface utilisateur du code juridique. Ces notices permettent de comprendre plus simplement les tenants et aboutissants de chaque licence et reprend une trame similaire d’une licence à l’autre. Chaque notice synthétique permet de naviguer vers la page web décrivant le code juridique complet de la licence, et réciproquement.

Exemple : la notice de la licence 'CC BY-SA' ↗

3. couche lisible par les machines & services web

Il s’agit du codage informatique sous-jacent, de la méthode de normalisation des méta-données permettant de qualifier les contenus à destination du web. Elle est partculièrement utile pour construire une application, pour que les moteurs de recherche sachent que le contenu est sous licence CC, pour les scripts… Cette couche est écrite dans le code HTML selon des attributs d’expression des droits Creative Commons Rights Expression Language (ccREL) ↗

Exemple de structure ccREL (voir l’attribut ‘rel’ et les pseudo-attributs ‘xmlns’) :

<a rel="license" href="https://creativecommons.org/licenses/by/3.0/">
  <img alt="Creative Commons License" style="border-width:0" src="https://i.creativecommons.org/l/by/3.0/88x31.webp" />
</a>
<span xmlns:dct="http://purl.org/dc/terms/"property="dct:title">
  Lawrence Lessig at the CC Global Summit 2015
</span>
<a xmlns:cc="https://creativecommons.org/ns#" href="https://vimeo.com/143427866" property="cc:attributionName" rel="cc:attributionURL">
  Creative Commons
</a>

J’ai personnellement ajouté ces balises dans le squelette du présent blog ainsi que sur les flux RSS : n’hésitez pas à me faire vos retours pour amélioration ^^

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📚 Animation interactive pour comprendre les 3 couches des licences CC ↗ , Creative Commons Labs, 2011 | Hal Abelson, Ben Adida, Mike Linksvayer, Nathan Yergler, ccREL: The Creative Commons Rights Expression Language ↗ [PDF], 2008

— 🧩 4 éléments pour les réunir toutes

Principes

Creative Commons met gratuitement à disposition un certain nombre d’outils et d’options de licences afin de permettre aux créateur·ices de céder certains droits à l’international. 4 éléments sont disponibles : BY, NC, ND, SA. Ainsi, vous structurez la licence CC en combinant ces 4 éléments selon les permissions que vous souhaitez accorder.

Voici ces 4 éléments dans le détail :

ATTRIBUTION

Ce symbole (correspondant à l’indication “BY”) fait référence à la paternité de l’œuvre, à son attribution. Toutes les licences incluent cette condition car, comme nous l’avons vu lors du chapitre sur le droit d’auteur, elle relève du droit moral inaliénable, imprescriptible et perpétuel. Vous devez donc obligatoirement créditer l’œuvre.

NON COMMERCIAL

Ce symbole (correspondant à l’indication “NC”) définit un usage non commercial de l’œuvre, que ce soit en tant que telle ou au travers des autres autorisations potentiellement accordées. Ainsi vous n’êtes pas autorisé·e à faire un usage qui serait “principalement destinée à un avantage commercial ou à une compensation monétaire” de cette œuvre, ni de tout ou partie des éléments la composant.

PAS D’ADAPTATION

Ce symbole (correspondant à l’indication “ND”, pour No Derivatives) permet d’indiquer que la modification de l’œuvre originale, la création d’œuvres dérivées ou d’adaptations est strictement interdit. Autrement dit, dans le cas où vous effectuez un remix, que vous transformez, ou créez à partir du matériel composant l’œuvre originale, vous n’êtes pas autorisé·e à distribuer ou mettre à disposition l’œuvre modifiée.

SELON LES MÊMES CONDITIONS

Ce symbole (correspondant à l’indication “SA”, pour Share Alike) permet d’afficher le verrou de copyleft (ou “gauche d’auteur”) intégré à l’œuvre originale et l’ensemble de ses adaptations éventuelles. En d’autres termes, dans le cas où vous effectuez un remix, que vous transformez, ou créez à partir du matériel composant l’œuvre originale, vous devez diffuser l’œuvre modifiée avec la même licence (ou autre licence compatible) avec laquelle l’œuvre originale a été diffusée. Historiquement, le copyleft ↗ [source: GNU / Free Software Foundation] est issu de la licence GNU GPL créée par Richard Stallman en février 1989.

Une bonne façon de procéder concrètement

Suivez cet arbre d’attribution simplifié que j’utilise personnellement pour choisir la licence CC qui me convient le mieux :

1. choisissez d’abord si vous souhaitez autoriser les réutilisations commerciales (“NC” si vous refusez)
2. ensuite si vous souhaitez autoriser les œuvres dérivées ou adaptations (“ND” si vous refusez). Nota Bene : ne sont pas considérés comme adaptations : les changements de formats techniques, correction orthographique ou de ponctuation, collection de travaux, l’ajout d’images illustratives à un texte original…
3. enfin vous avez la possibilité de contraindre le ou la ré-utilisateur·ice à utiliser la même licence que celle accordée à l’œuvre originale (“SA” si vous souhaitez contraindre).

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📚 Testez le sélecteur de licence CC ↗ , Creative Commons

— 🔎 Les 6 licences à la loupe

Les licences CC | Ministère de la Culture & de la Communication x Creative Commons France, illustration : Atelier FP7, 2014 CC BY-SA 4.0 FR

Les différentes options ainsi combinées permettent de constituer l’une des 6 licences offertes par Creative Commons.

• Les 2 premières sont considérées comme “libres”, en tant qu’elles autorisent l’ensemble des 4 libertés essentielles des œuvres culturelles libres ↗ (Free Cultural Works) : la liberté d’utiliser et de représenter l’œuvre + la liberté d’étudier l’œuvre et d’en utiliser les informations + la liberté de distribuer des copies + la liberté de distribuer des travaux dérivés
• Les 4 suivantes sont considérées comme “restrictives” car définissant un niveau de contrôle de plus en plus renforcé, de plus en plus restrictif.

Ces licences sont versionnées au fil du temps : depuis novembre 2013 nous en sommes à la version 4.0 ↗ [source: wiki CC] qui vise à les rendre “plus internationales, plus faciles d’utilisation et plus durables”.

« Ces licences sont interopérables et non exclusives, elles évitent des coûts de transaction, fluidifient les usages numériques, s’inscrivent comme un complément au droit d’auteur, sont compatibles avec le système juridique français. Elles créent un équilibre entre les droits des créateurs et des utilisateurs. » Ministère français de la Culture x Creative Commons France, 2014

Les 6 licences sont les suivantes (de la plus libre à la plus restrictive) :

[CC0]

• CC BY = Attribution
• CC BY-SA = Attribution avec partage dans les mêmes conditions
• CC BY-NC = Attribution sans utilisation commerciale
• CC BY-NC-SA = Attribution sans utilisation commerciale avec partage dans les mêmes conditions
• CC BY-ND = Attribution sans modification
• CC BY-NC-ND = Attribution sans utilisation commerciale ni modification

On se rend bien compte que l’interdiction de modification (ND) porte un coup particulièrement fort au degré d’ouverture de ces licences, mais ce qui compte avant tout ici est la possibilité de combiner les éléments pour sceller une force juridique.

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📚 Spectre des licences Creative Commons ↗ , Wikimedia Commons, Shaddim, 2016 | Les 4 libertés des logiciels libres ↗ , GNU x Free Software Foundation | Comprendre les œuvres culturelles libres ↗ , Creative Commons

Tableau des droits & devoirs

Retrouvez ici, pour chaque licence, les permissions (“droits”) attribuées ainsi que les devoirs sur l’œuvre originale & ses adaptations éventuelles.

📲 Pour une lecture sur mobile, privilégiez le tableau synthétique

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📚 Six licences pour partager vos œuvre ↗ [PDF], Creative Commons Wiki

Tableau des matériels juridiques & graphiques

Retrouvez ici, pour chaque licence, sa notice synthétique (pour la relier aux œuvres que vous partagez), son code juridique complet (pour référence) ainsi que les icônes graphiques correspondants (pour communiquer).

📲 Pour une lecture sur mobile, privilégiez le tableau synthétique

— 💧 Focus sur les 2 outils du domaine public

MARQUE DU DOMAINE PUBLIC

Ce symbole (ou la mention “PDM”) est utilisé pour étiqueter une œuvre “déjà libre de restrictions connues en matière de droit d’auteur”, dans le monde entier. Cette mention ne modifie pas le statut du droit d’auteur d’une œuvre, dans la mesure où elle n’en dispose pas ou plus. C’est par ailleurs la référence incontournable pour mentionner une œuvre sous domaine public que l’on souhaite réutiliser.

CC0 (“CC ZÉRO”)

Ce symbole matérialise le fait que le créateur ou la créatrice dédie son œuvre au domaine public. Pour cela il ou elle doit disposer préalablement des droits d’auteurs de cette œuvre, en tant qu’auteur·ice ou ayant·e-droit. Ainsi, il ou elle renonce explicitement à ses droits sur cette œuvre pour le monde entier & inconditionnellement, “selon les lois sur le droit d’auteur, droit voisin & connexe”. Lorsque l’outil CC0 est appliqué à une œuvre, “les droits d’auteur et les droits voisins sont abandonnés dans le monde entier, rendant l’œuvre libre de ces restrictions”.

Tableau des droits & devoirs

Pour mémoire : avec ces 2 outils, l’utilisateur·ice n’est tenu·e à aucun devoir ni aucune contrainte particulier puisque toutes les permissions lui sont accordées. Même si la moindre des courtoisies veut que vous mentionniez l’auteur·ice de l’œuvre que vous utilisez grâce à lui ou elle !

📲 Pour une lecture sur mobile, privilégiez le tableau synthétique

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📚 Guide pour utiliser les outils du domaine public ↗ [PDF], Creative Commons Wiki

Tableau des matériels juridiques & graphiques

📲 Pour une lecture sur mobile, privilégiez le tableau synthétique

— 📋 Tableau synthétique

[ → English version documents ]

Pour une meilleure lisibilité, je vous propose une synthèse des tableaux présentés ci-dessus en une seule fiche au format A3. Les fichiers sources sont accessibles en Open Document (lisibles à l’aide de Open Office ou Libre Office par exemple) sous domaine public (CC0) ↗ . Les fichiers sont cliquables : ils intègrent les liens hypertextes et vous pouvez accéder aux ressources directement en cliquant dessus.

📥 Vous pouvez ainsi télécharger & utiliser gratuitement :

• la version N&B → PDF ↗ [72,1ko]
• la version N&B → fichier source ODP ↗ [121,1ko]
• la version couleurs → PDF ↗ [84,5ko]
• la version couleurs → fichier source ODP ↗ [122,9ko]

— 💬 Attribuez une licence CC

Pour contribuer à la circulation des savoirs et à l’ouverture des connaissances (Open GLAM, Open Access, Open Content…), je vous incite fortement à partager vos travaux et à leur attribuer la licence CC de votre choix, la plus libre possible. Ceci est réalisable sans aucune notion juridique particulière.

C’est ce qui permet par exemple sur Flickr ↗ de diffuser +100 000 nouvelles images sous licence CC chaque jour !

Voici comment faire concrètement :

1/ Pour attribuer une licence CC à une oeuvre, vous devez préalablement :

• disposer des droits d’auteur sur cette oeuvre (il n’est pas possible d’aposer une licence CC à une oeuvre pour laquelle vous n’avez pas de propriété intellectuelle, qui appartient à quelqu’un·e d’autre)
• vous référer au code juridique complet de la licence choisie (la notice simplifiée reste un outil informatif & synthétique)
• accepter le fait que la licence CC sera irrévocable

2/ Combinez les options auxquelles vous tenez ou que vous souhaitez attribuer : le sélecteur de licences CC ↗ peut vous aider à faire votre choix

3/ Mentionner la licence explicitement (icones, badge ou format textuel) et créer un lien hypertexte vers sa notice synthétique.

⚠ Par convention, pour mentionner par écrit une licence CC, il convient d’utiliser la nomenclature suivante : CC (pour Creative Commons) puis chaîne d’options reliées par un trait d’union. CC n’étant pas une option, il n’est donc pas relié par le trait d’union.

Exemple : CC BY, CC BY-SA, CC BY-NC-ND

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📚 Considérations pour les donneurs et les preneurs de licence ↗ , Creative Commons

… à suivre …

␥ Pour aller + loin

• Tous mes articles sur Creative Commons / Carnet de bord CC-Cert
• Matériels CC à télécharger ↗ (icones, logos, guide de marque…)
• Partagez vos créations ↗ , source: Creative Commons
• Liste des décisions de justice & cas de jurisprudence concernant les licences CC ↗ , CC Legal Database
• Tai-Jan Huang, CC Copyright Consciousness ↗ : conscience du droit d’auteur et propriété intellectuelle / La politique de Creative Commons, thèse de l’Université de Stanford, 2013

Crédits